Tribunal en santé mentale: pour une véritable consultation publique

Montréal, 8 mai 2008.

Le 5 mai dernier, l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal tenait une rencontre d’information à l’intention de tous les partenaires du milieu communautaire en santé mentale qui voulaient en savoir plus concernant l’implantation du Tribunal de la santé mentale à la cour municipale de la Ville de Montréal. Les représentants d’organismes œuvrant auprès des personnes qui vivent un problème de santé mentale ont appris que depuis quelques années il y a une augmentation inexpliquée du nombre de dossiers à la cour municipale pour lesquels les personnes semblent vivre un trouble de santé mentale.

Pourquoi cette augmentation? Est-ce un changement des pratiques policières? Est-ce un problème d’accès à des services de santé mentale? Est-ce un désir inconscient de vouloir contrôler tous les symptômes dérangeants par la médication? Est-ce une volonté politique de faire le ménage du centre-ville? Pas d’études. Pas de réponse.

Pourtant, le ministère de la Justice s’engage dans une solution qui entraîne tout le milieu de la santé mentale montréalais. Selon ce que nous avons compris, après une évaluation sommaire, la personne sera jugée apte pour comparaître, tout en ayant commis un geste « excusable » par sa situation de santé mentale. On peut se demander si, au moment de la comparution, il y aura vraiment un consentement libre et éclairé de la part de la personne à qui on va offrir une participation à un programme où, si elle s’engage volontairement dans un suivi médical, elle pourrait bénéficier d’un retrait des accusations.

Les organismes communautaires ont beaucoup de questions sur l’opérationnalisation du tribunal. Ce sont les procureurs de la poursuite qui vont établir les conditions du programme et en assurer les contrôles. Puisque c’est eux qui vont formuler les ententes, est-ce que les procureurs se substituent aux intervenants en santé mentale?

Selon les explications données, c’est le juge et les procureurs qui vont juger de la crédibilité de l’engagement volontaire du prévenu dans ses promesses d’aller à ses rendez-vous et de participer à son plan de traitement. Que va-t-il se passer au moment de confirmer des doutes? Quel sera le rôle des intervenants, tant dans le réseau public que dans le milieu communautaire dans ce processus? Les organismes communautaires se retrouveront-ils impliqués malgré eux dans le plan de soins des personnes? Comment les organismes communautaires pourront-ils conserver le lien de confiance avec les personnes, s’ils doivent « coopérer » avec les instances du Tribunal de la santé mentale pour la réalisation ou la confirmation des conditions que ce dernier exigera des personnes? Nous avons appris lors de cette rencontre que les 12 CSSS vont donner une priorité d’accès aux soins aux gens référés par le Tribunal. Est-ce une nouvelle porte d’entrée pour avoir accès rapidement à des soins en santé mentale?

L’idée même d’un tribunal de la santé mentale a des répercussions encore plus graves.

Dans le contexte où les personnes qui vivent un problème de santé mentale sont généralement victimes de préjugés, ce qui a pour résultat de les stigmatiser socialement, la venue de ce Tribunal lance le message que ces personnes ont besoin d’un système parallèle, différent de l’ensemble de la population. Alors que le ministère de la Santé et des Services sociaux a lancé une vaste campagne pour contrer les préjugés, le ministre de la Justice contribue à les renforcer.

Si le but de l’action du ministère de la Justice est de sortir de la rue des gens présentant de problèmes sévères et persistants de santé mentale afin de les amener à recevoir des soins psychiatriques, il devrait se questionner sur la solution retenue et d’abord vérifier pourquoi il y a une telle hausse de dossiers dans sa cour. La solution est peut-être déjà dans l’appareil judiciaire.

Ensuite, si d’autres solutions étaient nécessaires, il devrait voir avec le ministère de la Santé et des Services sociaux si, avec tous les investissements qui ont déjà été faits ou annoncés en santé mentale dans le réseau de la santé, il y aurait de nouvelles façons d’intervenir auprès des personnes visées par ce projet. Dans ce même temps, le milieu communautaire en santé mentale devrait être invité à formuler des réponses.

Enfin si la solution d’un tribunal devait être retenue, il devrait y avoir une consultation publique afin de bien baliser cette idée.

L’inconnu que représente ce projet pilote est trop important à l’heure actuelle pour que les organismes communautaires s’y engagent en toute confiance. C’est pourquoi nous demandons un moratoire au ministre de la Justice et une véritable étude du problème.

Voici la liste des organismes communautaires membres du Comité pour un moratoire sur le Tribunal de la santé mentale :

Action Autonomie (le collectif pour la défense des droits en santé mentale de Montréal)

L'AGIDD-SMQ (Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec)

Les Frères et Sœurs d’Émile-Nelligan

Le Projet PAL

Le RACOR (Réseau alternatif et Communautaire des Organismes en santé mentale de l’île de Montréal)

Le RRASMQ (Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec

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Renseignements :

Julie Corbeil, Intervenante en défense des droits collectifs, Projet PAL, (514) 767-4701 poste 224
Ghislain Goulet, Agent à la vie associative Action Autonomie, (514) 525-5060
Doris Provencher, coordonnatrice AGIDD-SMQ, Cellulaire (514) 770-2728

Source : Comité pour un moratoire sur le Tribunal de la santé mentale

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