Lettre au ministre de la Santé concernant l’utilisation des électrochocs au Québec

Montréal le 8 juillet 2015

Monsieur le ministre,

Le Comité Pare-Chocs est un regroupement de personnes et d’organismes militant pour l’abolition des électrochocs au Québec.  Fondé en 2005, le Comité est intervenu publiquement pour faire connaître certains faits très troublants entourant l’utilisation des électrochocs au Québec.

Depuis sa mise en place, le Comité a maintes fois interpellé le ministre de la Santé et des Services sociaux, dont vous-même,  pour obtenir des réponses aux nombreuses questions soulevées par l’utilisation des électrochocs.  Malgré une correspondance soutenue, peu de réponses nous ont été fournies. Les craintes légitimes que nous éprouvons face à l’utilisation des électrochocs et à son développement demeurent entières.

Pour ne donner que quelques exemples: douze ans après la publication du rapport de l’Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé (AETMIS) « L’utilisation des électrochocs au Québec » présenté au ministère de la Santé et des Services sociaux, aucune suite n’a été donnée aux recommandations de l’Agence.  Le rapport faisait ressortir entre autres choses : « Les incertitudes quant à l’efficacité et aux risques de l’ECT demeurent importantes.  Il est donc nécessaire de recueillir plus de données à cet égard. »

Récemment, nous avons obtenu des données inquiétantes de la Régie de l’assurance maladie du Québec concernant l’utilisation des électrochocs. En effet, le comité Pare-Chocs a découvert que le recours aux électrochocs était près de cinq fois plus fréquent  dans la région du Centre-du-Québec que dans la moyenne des régions socio-sanitaires québécoises.

Des chiffres obtenus auprès de la Régie de l’assurance-maladie du Québec démontrent que deux établissements de cette région, l’hôpital Ste-Croix de Drummondville et l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska (Victoriaville) ont réalisé 1232 séances d’électrochocs en 20141.  Cela représente 5.1 électrochocs par 1000 habitants, un ratio presque cinq fois plus élevé que la moyenne québécoise (1.06 par 1000 habitants).

Dès 2003, un rapport d’expert commandé par le MSSS concluait que la fréquence du traitement semble varier d’une région à l’autre sur le territoire québécois. Il serait donc important de mieux documenter et de mieux encadrer les pratiques.

Plus de dix ans plus tard, près de 10 000 séances d’électrochocs ont lieu chaque année au Québec, et ce sans aucune forme d’encadrement de la part du ministère. 

Or, nous le réaffirmons :  « Laissée sans surveillance, cette technique met en danger la santé et la sécurité de milliers de personnes,  des personnes vivant dans des situations de très grande vulnérabilité, des personnes sans voix et sans pouvoir. »  Une recherche récente réalisée par le Comité Pare-Chocs nous montre que bon nombre d’hôpitaux qui offrent  des électrochocs à leur patientE, ne disposent pas des outils d’informations et d’encadrement adéquat.  Situation qui rend presque impossible la possibilité de fournir un consentement libre et éclairé et met en danger la sécurité des patients.  La fréquence de l’utilisation de l’électrochoc semble plus s’appuyer sur la préférence du  médecin que du patient et laisse planer de sérieux doutes sur la « qualité » du consentement donné par les personnes.

De toute évidence, encore aujourd’hui, le traitement par électrochocs est l’objet de controverse et constitue un traitement à risque.  Et de toute évidence, des contrôles doivent être mis en place pour assurer la protection des personnes à qui on administre ce traitement. 

Il nous apparaît donc important et urgent que le ministre de la Santé et des Services sociaux assume un leadership et qu’il intervienne dans le débat entourant l’utilisation de cette technique. La question des électrochocs, c’est une question de santé publique dont l’enjeu concerne tous les Québécoises et Québécois. Elle relève d’une responsabilité gouvernementale.

Aussi, nous réitérons notre demande de rencontre avec vous pour discuter de cette question et envisager les possibilités de collaboration dans ce dossier.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, nos cordiales salutations.

Ghislain Goulet pour,
Le Comité Pare-Chocs
3958 rue Dandurand, 3ième étage
Montréal, Qc  H1X 1P7

1.       http://www.actionautonomie.qc.ca/explosion-delectrochocs-au-centre-du-quebec/                

Share
Ce contenu a été publié dans Analyse critique en santé mentale, Arguments, Électrochocs (ECT), Qualité des soins, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.