La Régie régionale de Montréal est accusée de discrimination et d’illégalité!

Montréal, 16 octobre 2003.

Le comité d’action sur la sectorisation dénonce la mise en place par la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre de nouvelles règles d’application de la sectorisation des services en santé mentale et demande l’intervention immédiate du ministre Couillard.  Mises en vigueur le 1er juin dernier et appliquées par les quatorze départements de psychiatrie de l’Île de Montréal, les nouvelles règles (annexe 1) sont jugées illégales et discriminatoires par le comité.

Selon Me Jean-Pierre Ménard, qui a produit un avis juridique (annexe 2) à la demande du comité, le protocole viole plusieurs lois.  « Il n’y a aucun doute que ce protocole porte atteinte au droit de choisir l’établissement, au droit à la confidentialité de son dossier et au consentement libre et éclairé. » De plus, soutient Me Ménard, « le protocole, en émettant des règles particulières d’accès aux services pour les personnes qui consultent en santé mentale, établit des pratiques discriminatoires à l’égard des personnes et contrevient ainsi à la Charte des droits et libertés de la personne. »

Des règles élémentaires de confidentialité bafouées

Pourtant, depuis plus de vingt-cinq ans, les personnes qui souhaitaient recevoir des services psychiatriques étaient quasiment « enchaînées » à l’hôpital de leur secteur, ce qui était une violation systématique de leur droit de choisir l’établissement ou le professionnel duquel elles  voulaient recevoir des services psychiatriques.  En guise de réponse aux pressions exercées depuis de nombreuses années par des personnes ayant des problèmes de santé mentale et par des groupes de défense des droits, la Régie régionale a mis en application de nouvelles règles d’application de la sectorisation des services psychiatriques de courte durée pour adultes.  Celles-ci obligent toutes les personnes ayant un dossier actif [1] en psychiatrie à donner accès aux informations personnelles et confidentielles contenues dans leur dossier médical pour que soit inscrite une demande de services dans un autre établissement.  Advenant que la personne refuse de donner accès à son dossier, la demande de services ne sera pas considérée.  Par exemple, si vous ne souhaitez pas qu’on sache que vous avez été agressé(e) sexuellement lorsque vous étiez adolescent(e), si cette information apparaît au dossier, vous n’avez pas le choix.  Si le fait de partager des informations relatives à votre traumatisme vous rend vulnérable,  beau dommage, c’est ça qui est ça!

Consentement forcé

Les personnes ne peuvent pas donner un consentement libre car on les menace de ne pas inscrire leur demande de services si elles ne consentent pas à donner accès à leur dossier médical.  «Cette façon de faire contrevient aux règles de confidentialité et de consentement libre et éclairé et va à l’encontre de la Loi sur les services de santé et des services sociaux ainsi que des règles régissant la protection des renseignements personnels», a déclaré Ghislain Goulet, porte-parole du comité.  Une «plainte» a d’ailleurs été déposée à la Commission d’accès à l’information à cet effet.

Qui plus est, l’accès systématique au dossier médical avant même de rencontrer et d’entendre la personne rend pratiquement impossible l’obtention d’un avis impartial d’un professionnel et augmente les possibilités que les personnes soient victimes de préjugés, qu’elles ne soient pas entendues, écoutées et crues par les professionnels.  Des situations qui furent maintes fois dénoncées par les personnes ayant un suivi en santé mentale.

Des pratiques discriminatoires

L’idée même de la création et de la mise en application de cette politique est une preuve de discrimination envers les personnes ayant des problèmes de santé mentale.  Les citoyens qui ont des problèmes cardiaques n’ont pas, eux, à se plier à une procédure où ils doivent donner accès à des informations personnelles avant même de rencontrer le cardiologue de leur choix.  En fait, dans le système de santé, aucun autre citoyen n’est confronté à ces exigences.  La loi est aussi très claire sur ce point : toute  personne a le droit de choisir le  professionnel ou l’établissement duquel elle désire obtenir des services.

Pourquoi alors la Régie régionale continue-t-elle de discriminer les personnes qui ont des problèmes de santé mentale en créant et en mettant en application de telles pratiques?  Pourquoi  compliquer davantage la vie à des personnes souvent très fragiles? demandent les membres du comité d’action sur la sectorisation.

Le Ministre Couillard doit intervenir

Suites aux nombreuses dénonciations et plaintes orchestrées par les groupes de défense des droits, la Régie régionale de la santé et des services sociaux a admis le caractère illégal et discriminatoire de l’utilisation du code postal pour déterminer l’établissement duquel une personne peut obtenir des services en santé mentale.  Cependant, les nouveaux principes mis de l’avant par la Régie régionale sont tout aussi illégaux, contrôlants et discriminatoires que les mesures précédentes. Comme la Régie semble incapable de régler une fois pour toute le problème, il appartient au ministre de mettre de l’ordre dans ce dossier.  Récemment, le ministre a affirmé : « Soyons clairs : nous ne voulons en aucun cas brimer la liberté de choix du médecin ou de l’hôpital » … «  ma principale solidarité est le patient, l’usager des services sociaux.  C’est à ces gens-là que je pense tous les jours »… . (annexe 3).  Il est temps d’en faire la preuve, a déclaré M. Goulet, car le ministre n’a encore rien fait et ça fait maintenant plus de cinq mois qu’il est informé de l’existence du protocole de sectorisation aussi bien que de son illégalité.

La réponse à ce dilemme est claire, simple et ne coûterait pas un sou de plus aux contribuables québécois : traiter les personnes qui consultent pour des services en santé mentale de la même manière et avec le même respect que n’importe quel citoyen.

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Le Comité d’action sur la sectorisation est composé du RRASMQ (Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec), l’AGIDD-SMQ (l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec), le RACOR (Réseau alternatif et communautaire des organismes en santé mentale), Action Autonomie (le Collectif de défense des droits en santé mentale de Montréal), Projet P.A.L., Solidarité Alternative en santé mentale, le Centre de soir Denise-Massé et CAMÉE.

[1]Un dossier est considéré actif à un hôpital donné si l’usager a été hospitalisé à l’intérieur des six derniers mois ou a bénéficié d’un suivi externe à l’intérieur des 6 derniers mois.  Le dossier n’est pas considéré actif si l’usager a été vu uniquement à la salle d’urgence, en consultation-liaison ou dans une clinique ultra-spécialisée pour un traitement temporaire déterminé.

Source :  Protocole d’accueil des usagers, règles d’application, avril 2003, p.10.

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